Label Gouine*

Alex Lachkar – Carte Blanche

« Transmasc, lesbienne, testostéroné, en pleine adoption d’un corps qui change et que je change.
✊🏼 Je suis désormais vraiment ancré, présent. »

Cette semaine, nous sommes très heureux.ses de vous partager les mots d’Alex Lachkar 💜

La première fois que j’ai lu un texte qu’il a écrit… je l’ai dévoré !
C’était dans ce magnifique ouvrage collectif “Ecrire à l’encre violette. Littératures lesbiennes en France de 1900 à nos jours”.
Sa partie, la septième, met en lumière les littératures gouines* de ces 2 dernières décennies.
Et je ne peux m’empêcher de remettre une de ses citations, dont la lecture m’a donné beaucoup de joie et d’énergie 🔥 : « La relève est là, toute une cohorte de jeunes autrices est en train d’envahir les librairies, les esprits, les corps et donc, a fortiori, l’hétéropatriarcat. »

Sa plume est aussi particulièrement captivante lorsqu’il utilise un ton moins universitaire dans sa newsletter ‘Gouineries chaotiques’
Chaque newsletter dédiée aux littératures lesbiennes contemporaines est un bonbon 🍬

On te la recommande vraiment chaudement !
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« Personne ne m’avait dit, pour le placard. Quand je l’ai appris, personne ne m’a dit qu’il y en avait un autre qui m’attendait derrière. Dans Colza, Al Baylac écrit : “le corps gouine c’est d’abord ça, une nouvelle puberté, choisie et désirée”. Quand je suis devenu lesbienne je me suis dit ça y est, c’est donc ça mon corps, c’est donc ça le désir, c’est donc ça être présent au monde. J’ai vécu ma deuxième adolescence avec la rage au cœur, j’en voulais à la terre entière : pourquoi est-ce que personne ne parlait de moi et de mes nouvelles amies dans les livres, les films, les séries ? Où étaient mes ancêtres gouines ? 

Consciencieusement, j’ai tout appris : les codes, les références, les usages. Je me suis délesté du male gaze, des jupes et des talons. Ça ne suffisait pas. J’ai voulu ressembler aux butchs quarantenaires que je croisais souvent dans les rues berlinoises et qui me fascinaient. J’ai cru que j’étais arrivé, cette fois, jusqu’à cette phrase, alors que j’ajustais mon nœud papillon, avant le mariage de deux amies : “Tu es belle, mais j’ai envie de dire : tu es beau”. J’ai vu le deuxième placard, il était là depuis tout ce temps.

La porte a été plus longue, plus difficile à ouvrir, mais me voilà, à vivre une troisième adolescence. Alors que j’observe, avec fascination et curiosité, ma voix qui mue, j’ai racheté du vernis, pour la première fois depuis dix ans. J’ai eu peur de la réaction des lesbiennes, intoxiqué que j’étais par la rhétorique TERF. Dans leur immense générosité, leur accueil n’a été que joie, enthousiasme, et soutien. Parmi mes sœurs butchs, un certain nombre d’entre elles sont venues me voir, pour me dire : “Si j’avais ton âge, je le ferais aussi.” Elles ont 20, 30, 40 ans de plus que moi, elles me posent des questions, s’enquièrent. Elles ne franchiront pas le pas, alors je leur partage mon expérience. 

Et puis il y a les fems. Je pourrais écrire un livre entier sur les fems, leur amour, leur solidarité, leur soutien. Les fems qui depuis un an ont démultiplié ma confiance en moi, m’assurant que, oui, je pouvais arrêter de faire semblant d’être une femme, et être toujours désirable. Qui m’ont encouragé à porter des crop tops tout l’été, soulignant le fait que ça mettait mes abdos en valeur. Elles sont toutes là pour moi, les butchs, les fems, les autres.

Cette fois, j’ai l’impression d’être arrivé, d’être à ma place. Transmasc et lesbienne, quoiqu’en dise le psychiatre que la loi autrichienne m’a obligé à voir, et qui a voulu me faire dire que j’étais désormais un homme hétéro. Toujours foncièrement lesbienne, jusqu’au bout des ongles (violets foncés en ce moment). Transmasc, lesbienne, testostéroné, en pleine adoption d’un corps qui change et que je change. Je suis désormais vraiment ancré, présent. Je suis entouré de personnes lesbiennes et/ou trans. 

J’ai toujours la rage, mais je sais maintenant comment la mettre à profit : je poursuis inlassablement mes recherches sur la littérature, je guette les jeunes auteurices qui publient leurs premiers textes explosifs, je cherche sans cesse la perle rare, je me délecte de mots qui m’ont tant manqué pendant toutes ces années. Parce que ce sont ceux qui m’ont le plus cruellement fait défaut, je cherche tout particulièrement les textes lesbiens et trans, lesbiens et racisés. Je tisse des liens entre les textes, les auteurices, les théories : je vis pour la littérature lesbienne, je fais tout pour lui rendre lesbiennage autant que possible. Mon travail sur les rentrées littéraires fait déborder ma bibliothèque, et quand j’écris à mon bureau je suis littéralement entouré de génies lesbiens. Je crois au pouvoir de la culture, de la littérature en particulier. Alors j’espère qu’on va continuer, collectivement, à lesbianiser la littérature, la culture, l’université, la politique, toutes les sphères de ce monde hostile dans lequel nous évoluons. Je suis un lobbyiste missionné par le Gouinistan, et je ne fais que commencer. »

V✌️

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