Label Gouine*

Carte Blanche Mathilde Viot

Après de nombreuses publications, l’envie de sortir de notre entre-soi nous a mené·e·s vers l’idée de donner directement la parole à d’autres gouines*.

Chaque mois, nous vous proposerons donc une publication sur le thème « untel·le est Label Gouine* » 💜✊🏼

Dans les grandes lignes, c’est une “carte blanche” où chacun·e partage son parcours, son récit, son point de vue de gouine*.

Notre objectif est de toujours aller plus loin dans la transmission et la visibilité gouine* tout en donnant la possibilité à chacun·e de s’identifier à travers la pluralité des identités et des parcours.

On espère que ces récits vous plairont autant qu’à nous. 💜

Merci à Toni @viot__mathilde qui est la première personne à se raconter et à toutes les autres qui suivent et ont déjà répondu présent·e·s !

J’ai plongé dans le monde lesbien avec délectation.

Une première scène fondatrice : je suis dans la voiture avec mon père et mon frère, qui dort sur mes genoux. Il doit avoir 4 ans, moi 6. À la radio, une émission sur l’homosexualité et j’interroge mon père. Sa réponse « si jamais l’un d’entre vous est comme ça je ne m’en remettrais jamais ». Pour la première fois, dans ma tête une petite voix : « comment je vais faire? ».

Pendant 26 ans le désir a flotté, les questions sont revenues régulièrement (“les questions”, c’est à dire des filles dans mon esprit), mais je tombais dans l’hétérosexualité irrémédiablement. Le nombre de meufs que j’ai cessé de regarder dès lors que je sentais une mini pointe d’envie d’elles m’envahir est (très) élevé.

À l’intérieur c’était une catastrophe. J’avais l’impression que chaque année m’évidait, petit poisson dont on retire les viscères. Je regardais les autres bien vivant.es en essayant de garder le rythme. C’était épuisant. Se plier est éreintant. 

J’ai quitté le conjoint avec lequel j’avais un enfant, prise d’un sentiment d’urgence total de la vie, de vivre la mienne en tout cas. En partant, je n’ai pas fait que le quitter lui, c’est un mode que j’ai fuis. Celui des soirées avec les parents d’élèves où on s’emmerde, des soirées avec les collègues où on s’emmerde, cette vie des rapports sociaux obligatoires. Quand on accepte l’ennui quelque part on l’accepte dans toutes les sphères.

C’est pas un processus simple mais lire d’autres personnes qui ont décidé de bifurquer dans la vie, ça m’a donné de la force. La claque est arrivée alors que j’étais mollement en train de faire une sieste avec mon fils de deux ans, les Inrocks ou Le Monde dans les mains, je ne sais plus, quand je suis tombée sur cette phrase de Despentes qui témoigne être devenue lesbienne à 30 ans : « On m’a retiré 40 kilos d’un coup. ». Donc, on pouvait réellement changer de modèle “tardivement”. On était pas inscrit·e pour toujours dans une destinée. Et ça ne voulait pas forcément dire se manger un mur en pleine face. C’est comme si elle m’avait dit « t’inquiète, ça va aller », avec une tape dans le dos. Alors un jour j’ai plongé.

Et quel bel océan j’ai trouvé. Un monde entier nouveau, composé de personnes qui ont aussi envoyé péter leur famille (quand nécessaire), le petit confort de répondre aux normes (tout le monde passe par là), l’exigence de répondre aux attentes des bourgeois. J’y ai rencontré des personnes drôles comme jamais, habiles, généreuses, solidaires, mobilisées pour les autres. J’y ai rencontré des amours éclatantes, inspirantes, merveilleuses. Des façons nouvelles de se parler, de se toucher, de construire le monde et sa vie. Accepter d’être lesbienne est la plus belle histoire que je pouvais me donner à vivre.

Cha et Vic 🫶

Crédit photo : Patrick Normand

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