Label Gouine*

Veronica Noseda – Carte Blanche

« Je nous aime, les gouines, pour ce que nous sommes, mais surtout pour ce que nous faisons. »

C’est un grand jour aujourd’hui pour publier le texte de Veronica car… c’est son anniversaire ! 🎂🎉
Coïncidence ? je n’crois pas 😏 💜

On a la chance de militer avec Veronica (@velodego) dans différentes assos et on est du coup d’autant plus heureux.ses de partager ce texte intime empli de joie, de souvenirs, de luttes et de moments collectifs. Tant de choses qui nous animent, nous rassemblent et nous donnent envie de continuer de gouiniser le monde ! ✊

Pas assez douée pour le foot et le bricolage, Veronica a trouvé dans la vie militante sa pleine réalisation lesbienne. Des Dégommeuses (@lesdegommeuses) au @front.habitat.lesbien, de la LIG (@fonds_lig) à Oui Oui Oui ET La Barbe, les terrains de partage avec d’autres gouines ont été nombreux et palpitants ! 

Bonne lecture ! 
Et… très joyeux anniversaire Velo 💜

Je ne connais qu’une chose qui est mieux qu’être gouine : faire des trucs avec d’autres gouines.

Au début de ma vie lesbienne, pourtant, toute mon énergie se concentrait sur mon être. J’avais l’impression que tomber amoureuse d’une femme m’avait changée au plus profond de moi et je passais la moitié de mes journées à chercher péniblement sur le net des informations sur les lesbiennes (on était à l’époque des modems externes qui crachent des « tutuuuuu daaah daaaah kshhhhh ») et l’autre moitié à m’épier devant la glace, telle une adolescente, pour voir apparaître les stigmates confirmant ma transformation.

Il faut dire que j’avais déjà 29 ans et j’avais grandi dans une langue – l’Italien– dans laquelle le mot gouine n’existe pas : la parole lesbienne est à elle seule un tel repoussoir qu’elle n’a même pas besoin de s’accompagner d’une insulte pour exprimer l’opprobre qui nous entoure.

On ne va pas se le cacher, ça a été le collapse. Mais alors que je prenais ce krach pour une crise d’identité, j’assistais en réalité à l’affaissement du corset hétéropatriarcal qui m’étouffait et contraignait chacun de mes mouvements. Apprendre à bouger, je l’ai compris alors, ça peut faire mal.

Mais j’ai appris, et j’ai l’impression que je n’ai jamais vraiment arrêté de bouger et faire des trucs avec d’autres gouines. Ensemble, nous avons peint des dizaines de banderoles, collé des affiches par kilomètres, inventé des centaines de slogans, fondé des associations qui ont parfois mobilisé des milliers de personnes, parfois trois, levé le poing dans d’innombrables manifs, cherché de l’argent pour des collectifs et des caisses de grève, négocié pour avoir des terrains de foot et des appartements pour celleux d’entre nous qui sont le plus précaires, pris part à des tournois militants, aidé à déménager des meufxs qui n’avaient pas la thune, organisé des réunions dans des bars, ou chez l’un.e ou chez l’autre, ou dans le seul coin éclairé d’une boîte de nuit, participé à des débats où il n’y avait aucun.e spectateur.ice, animé des AG où des gouines rwandaises ayant vécu en Russie traduisaient les propos de gouines tchétchènes fraîchement arrivées en France, tenu des stands, enterré nos morts dignement, écrit des textes et des tribunes et des mails et des messages WhatsApp, géré collectivement des milliards de contradictions et autant de dramas, rangé des plots et des maillots dans le placard* et des mégaphones à la cave. Et puis nous avons aussi beaucoup joué au foot, parce que le foot avec d’autres queer c’est un immense kiff et aussi parce que quand il est joué par des corps dissidents, il peut changer le monde.

Nous l’avons fait non seulement parce qu’on est gouines, qu’on reconnaît mutuellement nos gueules quand on se croise dans la rue et qu’on a inévitablement des expériences de vie en commun, y compris lorsqu’on vient de mondes sociaux aux antipodes. Nous l’avons surtout fait parce que nous sommes convaincu.es que cette expérience partagée est le fondement d’un projet de société pour lequel nous avons envie de nous battre. Etre gouine est moins une identité qu’une énergie vitale, la promesse d’un geste d’amour qui déplace nos cœurs, avant de déplacer les montagnes. Je nous aime, les gouines, pour ce que nous sommes, mais surtout pour ce que nous faisons ensemble.

*qui, comme tout le monde le sait, chez les Dégommeuses ne sert que pour les ballons.

Au Suivant Poste

Poster un Commentaire

© 2025 Label Gouine*

Thème par Anders Norén